Haïti : Kenbe la – Jusqu’à la victoire

Radio-Canada, 20 novembre 2019

Le nouveau film du réalisateur et journaliste Will Prosper sera présenté aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM). Kenbe la – Jusqu’à la victoire est un documentaire réalisé sur trois ans relatant l’histoire d’Alain Philoctète, un homme touché et porté par plusieurs combats.

Changer ce qui se trame en Haïti : c’est la quête ultime d’Alain Philoctète. Parallèlement à cette quête, cet homme vit un combat bien personnel, celui contre le cancer. Kenbe la, qui signifie « ne lâche pas » en créole, prend ainsi tout son sens.

Celui qui a dû quitter son pays d’origine alors qu’il était un candidat politique controversé et visé par des attaques par balles – il s’est fait dire : « Soit tu quittes le pays en avion,  soit tu vas finir par le quitter en cercueil » – a finalement trouvé son compte à Montréal il y a une quinzaine d’années.

En fait, c’est au Québec qu’il a découvert, à travers le travail de Jean-Martin Fortier, la permaculture. Il s’est imprégné de la théorie pour l’enseigner à ceux et celles qui travaillent la terre, mais aussi, ultimement, dans le but de transmettre un jour ses connaissances aux siens.

Dans ce film, on finit par voir que c’est une histoire qui est profondément humaine avant tout. Puis on tombe en amour avec l’humanité derrière l’homme. Avec sa sagesse, avec ses réflexions, avec sa famille, avec ses enfants, raconte Will Prosper. Il ajoute qu’il a rencontré Alain il y a un peu plus de cinq ans, lorsqu’il a lui-même été candidat aux élections provinciales pour Québec Solidaire en 2012.

Retour aux sources

Dans Kenbe la – Jusqu’à la victoire, Alain retourne en Haïti après plus de 15 ans avec, en poche, son plus grand rêve : celui de faire part à son peuple de ses connaissances acquises en permaculture pour qu’Haïti, où le coût de la vie est extrêmement élevé, devienne autosuffisant, et non dépendant de tous les produits alimentaires qui y sont expédiés.

Les protestations actuelles en Haïti, ce n’est pas seulement à cause de PetroCaribe, mentionne Will Prosper. C’est parce que le coût de la vie, pour le pays le plus pauvre en Amérique, est extrêmement cher et que les gens n’arrivent plus à survivre.

Le documentaire témoigne ainsi de cette constante réflexion que mène le protagoniste dans le but de trouver la meilleure solution pour sortir son peuple de la misère.

Je pense que Dany Laferrière avait dit qu’au Québec, sa tête y était. Qu’aux États-Unis, son corps y était. Et qu’en Haïti, son cœur y était. C’est exactement ça pour beaucoup d’Haïtiens. Et pour Alain, particulièrement.

Alain veut être cette personne qui arrive à trouver une petite solution, qui pourrait peut-être semer des graines, puis faire toute une différence, ajoute le réalisateur. Et ça, c’est à travers la permaculture qu’il le voit.

Dans le film de Will Prosper, Alain effectue d’ailleurs un retour sur les terres de sa mère, au cœur d’une forêt de pins, dans un secteur montagneux d’Haïti où il fait très froid. Ce qu’on constate, c’est cette vaste coupe à blanc. Pour Alain, cette forêt ravagée, c’est l’illustration d’un pont rompu entre la population et l’État.

C’est triste, ce qui se passe en ce moment à Haïti, dit-il. Les Haïtiens sont très résilients. Mais c’est un terme que je déteste, la « résilience ». Parce que la résilience, ça veut dire qu’on s’habitue à la misère. Et ce n’est pas ce qu’on voit, en Haïti, en fait. C’est au-delà de la résilience. C’est de se battre constamment pour trouver des moyens, pour lutter contre les conditions auxquelles ces gens-là font face.

En entrevue avec la chroniqueuse culturelle de l’émission Le 15-18, Catherine Richer, Will Prosper a avoué avoir voulu prendre le temps qu’il fallait pour se poser et créer ce documentaire. Les gens vont être surpris, pense-t-il. Ils s’attendent à voir « un film de Will Prosper », un film militant, revendicateur. Mais ce qu’on retrouve, c’est une grande sensibilité, une intimité entre deux personnes, parce que je ne suis peut-être pas présent à l’écran, mais je suis en train d’accompagner un ami qui retourne au bercail.

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