Crédit : Ludovic Godard - UFC via CC BY-NC-ND 3.0

Kalya Nzesseu, correspondante et stagiaire

Le gouvernement du Québec a annoncé, le 13 octobre dernier, sa décision d’augmenter les frais de scolarité pour les futurs étudiant.es internationaux et canadiens non québécois à compter de l’automne 2024. Selon son évaluation, leur présence profiterait surtout aux établissements anglophones et la décision de doubler leurs frais de scolarité viserait donc à faire preuve d’équité envers les universités francophones, tout en protégeant la langue française. Cette décision comporte de nombreuses contradictions.

Une hausse des droits de scolarité pour renforcer le français

En pratique, à partir de l’automne prochain, les étudiant.es canadiens hors Québec qui commencent leurs études devront débourser 17 000 $ par an, ce qui correspond au coût supporté par le gouvernement pour leur formation, au lieu des 8 992 $ actuellement en vigueur. Pour les étudiant.es internationaux nouvellement inscrits, le montant sera de 20 000 $. De plus, la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, a précisé que ce montant constituait un tarif plancher et que les universités conserveraient le droit de facturer un montant discrétionnaire additionnel.

Ces mesures ont pour but de rééquilibrer le réseau universitaire tout en freinant le «déclin du français», notamment dans la métropole montréalaise. Jean-François Roberge, ministre de la langue française, a rappelé que le nombre grandissant d’étudiant.es non francophones était l’une des causes du recul de la langue française à Montréal et au Québec. Le gouvernement s’est donc engagé à réinvestir les fonds récupérés dans le réseau universitaire francophone.

Un risque pour la diversité académique du Québec?

Toutefois, cette stratégie comporte des failles puisque les mesures présentées s’appliqueront à l’ensemble des universités québécoises, anglophones comme francophones. Même si les mesures ne s’appliqueront pas aux étudiant.es français et belges, bénéficiant d’une entente internationale avec le Québec, ni aux étudiant.es inscrit.es au 2e et au 3e cycle en recherche, il reste que le gouvernement risque de se couper de certains talents francophones.

En dehors de quelques exceptions, notamment les Franco-Canadiens qui garderont pour le moment un tarif préférentiel prévu par la loi 14, les mesures visent l’ensemble de la communauté étudiante 1. Par exemple, les universités francophones recrutent beaucoup dans les pays africains francophones. Or, le taux de refus par Ottawa pour les demandes de permis déposées par les francophones, notamment les étudiant.es africains, est déjà plus élevé au Québec que dans d’autres provinces.

Selon une étude de l’Institut du Québec, 72 % des demandes effectuées par des étudiant.es d’origine africaine se sont vu refuser le permis d’études en 2021 2. L’augmentation des frais de scolarité proposée par le gouvernement viendrait donc s’ajouter comme un fardeau à un processus d’immigration déjà long.

En plus de devoir payer des frais de scolarité plus élevés, les étudiant.es internationaux doivent fournir de nombreuses garanties financières pour obtenir un visa canadien. Globalement, il faut avoir des moyens financiers conséquents pour immigrer et la répartition des richesses étant inéquitable dans la plupart des pays en développement, une hausse des frais de scolarité restreint d’autant plus l’accès aux universités québécoises à une élite de plus en plus petite. Certains étudiant.es francophones hors France et Belgique qui envisageaient d’étudier au Québec en français pourraient revoir leur décision, ce qui va à l’encontre des visées initiales du gouvernement.

Selon Elvira Blessing Hodister, représentante des étudiant.es internationaux de l’association de sciences politiques de l’UdeM, «les futures augmentations des frais de scolarité suscitent de grandes inquiétudes chez les futurs étudiant.es admis pour l’automne 2024». Elle ajoute : «Nombreux d’entre nous choisissons de poursuivre nos études au Québec afin d’accéder à des programmes de qualité et d’élargir nos horizons. Cependant, des frais de scolarité plus élevés peuvent dissuader les candidats potentiels et limiter les perspectives».

Une mesure discriminatoire pour les étudiant.es francophones du Sud

Les implications financières d’une augmentation des frais de scolarité pour les étudiant.es internationaux et canadiens hors Québec, combinées aux exigences déjà strictes pour obtenir un visa, risquent de restreindre l’accès aux universités québécoises, même francophones. Elles compromettent non seulement le recrutement d’étudiant.es provenant des pays du Sud, mais aussi la diversité des talents francophones, contrecarrant les objectifs initiaux du gouvernement. La décision semble également négliger les conséquences sur la compétitivité internationale des universités québécoises. Elle suscite des inquiétudes parmi les futurs étudiant.es internationaux.

Notes et références

  1. https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-14-40-1.html?appelant=MC[]
  2. Institut du Québec. (2023). Immigration temporaire. Les efforts pour attirer des étudiants étrangers doivent être plus cohérents. https://institutduquebec.ca/wp-content/uploads/2023/05/IDQ-CP-ETUDIANTS-ETRANGERS.pdf[]