Robin Bonneau-Patry – Correspondant à New York

Alors que la montée de l’extrême droite et le néolibéralisme menacent les fondements de la justice sociale, la conférence Challenges and Victories: The State of the Left in Europe and the U.S a offert un espace crucial pour la réflexion et l’action collective.

Organisée par la Fondation Rosa-Luxemburg à New York, cette rencontre a exploré les stratégies de résistance et les succès des mouvements de gauche face à des défis globaux, soulignant la nécessité d’une solidarité renforcée et de la mise en place d’un multilatéralisme alternatif, plus inclusif et équitable.


Victoires du mouvement ouvrier et front uni contre l’extrême droite

Le dialogue entre l’Allemagne et les États-Unis apparaît comme un point d’ancrage important, notamment en ce qui concerne les récentes avancées en matière de conditions de travail, dans un contexte marqué par la montée de l’extrême droite.

Cette montée, illustrée notamment par l’ascension du parti d’extrême-droite Alternative für Deutschland (AfD) en Allemagne, est un symptôme inquiétant du mécontentement général envers les politiques néolibérales. Ces politiques ont exacerbé les inégalités et délaissé de nombreuses personnes, créant un terreau fertile pour les discours populistes et xénophobes. L’AfD a exploité ces sentiments, proposant des solutions simplistes à des problèmes complexes, souvent au détriment des minorités et des droits des travailleurs.

Face à cette montée de l’extrême droite, les victoires récentes du mouvement ouvrier aux États-Unis et en Allemagne offrent un contrepoint encourageant. Aux États-Unis, l’UAW (United Auto Workers) a été mis en avant comme un exemple frappant de réussite syndicale, avec des avancées significatives en matière de salaires, de conditions de travail et de sécurité de l’emploi pour ses membres. Ces succès sont d’autant plus remarquables dans le contexte d’une hostilité croissante à l’égard des syndicats dans certaines régions du pays.

En Allemagne, les mouvements ouvriers ont également enregistré des succès significatifs en faveur des salarié.es en forgeant des alliances stratégiques avec d’autres mouvements sociaux. Par exemple, en s’alliant avec Fridays for Future, ils ont impulsé des avancées concrètes en ce qui a trait aux transports publics. Le pays est également secoué par un élan de manifestations antifascistes d’une ampleur remarquable, déclenchées à la suite de la révélation d’une réunion secrète visant à planifier du nettoyage ethnique par l’AfD et des groupes fascistes1. Ces actions, caractérisées par des grèves et des protestations massives, se sont étendues au-delà des grandes villes, touchant de nombreuses petites localités et illustrant un momentum de résistance à l’échelle nationale.

Ainsi, l’importance cruciale de la solidarité internationale et du mouvement ouvrier dans la lutte contre le néolibéralisme et la montée de l’extrême droite est un point sur lequel toutes les panélistes ont insisté.

La conférence réaffirme que, face à l’urgence des défis actuels, la gauche doit naviguer avec stratégie et concertation dans un système multilatéral imparfait, tout en combattant le néolibéralisme et l’extrême droite à travers une solidarité internationale accrue. Comme le disait Rosa Luxemburg, « ceux qui ne bougent pas, ne sentent pas leurs chaînes. » Ainsi, l’heure est à l’action collective, à la réflexion stratégique, et à l’engagement envers des alternatives progressistes pour façonner l’avenir.


Voix ignorées : le défi de la représentation à l’ONU

L’activiste et autrice Binalakshmi Nepram appelle à une réimagination profonde des institutions existantes pour qu’elles deviennent véritablement représentatives de la diversité et de la complexité des sociétés qu’elles prétendent servir. Crédit photo @ Mariana Fernández pour RSL-NYC

Au cœur des débats du premier panel, la problématique de la représentation au sein des institutions multilatérales, particulièrement l’ONU, a été mise en avant comme une préoccupation majeure. Ces institutions sont souvent perçues comme détachées des réalités et des besoins de la population mondiale, exacerbant le sentiment d’exclusion chez de nombreuses communautés, en particulier les peuples autochtones. Ce décalage souligne un déficit démocratique significatif dans la gouvernance globale, où les voix des plus affecté.es par les politiques internationales sont les moins entendues.

La critique ne s’arrête pas à la question de la représentation. Le fonctionnement même de l’ONU et d’autres organisations similaires est remis en question pour leur incapacité à surmonter les intérêts divergents de leurs États membres, exacerbé par des mécanismes tels que le droit de veto au Conseil de sécurité. Ces obstacles institutionnels et structurels limitent sérieusement la capacité des Nations Unies à agir efficacement sur des enjeux cruciaux comme les changements climatiques, les conflits armés, et les violations des droits humains.

Néanmoins, une perspective plus nuancée est également avancée, reconnaissant la nécessité de travailler à la fois avec et au sein de ces structures pour les réformer. L’idée de décoloniser les institutions multilatérales, en promouvant un «multilatéralisme par le bas», offre un chemin prometteur. Cette approche implique une coordination renforcée entre initiatives, activistes, et mouvements sociaux pour influencer les agendas globaux et insuffler une dynamique plus démocratique et inclusive dans la prise de décision internationale.

Ces discussions sont indissociables des enjeux spécifiques aux communautés marginalisées, comme les peuples autochtones, qui subissent de manière disproportionnée les conséquences des décisions prises dans des lieux de pouvoir éloignés de leur réalité. Binalakshmi Nepram, en se référant au conflit de Manipur et aux nombreux autres conflits oubliés à travers le monde2, a souligné l’urgence d’adopter un nouveau type de multilatéralisme. Un multilatéralisme qui reconnaît et intègre activement les perspectives et les besoins du Sud Global, ainsi que des organisations « à la base », dans la quête d’un monde plus équitable et moins militarisé.


Stefan Liebich, nouveau directeur du bureau de New York de la Fondation Rosa Luxemburg

L’évènement a également marqué une transition importante pour le bureau de New York de la Rosa Luxemburg Stiftung, avec la présentation du nouveau directeur, Stefan Liebich, qui prend la suite d’Andreas Günther Aguayo. Andreas, à la tête du bureau depuis 2018, a navigué les défis complexes de la pandémie de COVID-19 et de la présidence de Trump, périodes durant lesquelles il a su maintenir le cap malgré les turbulences.

Stefan Liebich reprend désormais le flambeau dans un contexte toujours marqué par de nombreux défis mondiaux. Nous soulignons cette nomination, qui intervient à un moment crucial, alors la continuité de l’engagement de RLS-NYC envers la solidarité internationale demeure essentielle. Crédit photo @ Mariana Fernández pour RSL-NYC


 

  1. Ido Vock, German Far-Right Met to Plan “Mass Deportations”, 11 janvier 2024, ; Philip Oltermann et Kate Connolly, ‘Everyone, Together, against Fascism’: Protests Sweep Germany after Exposé of AfD Party’s Deportation ‘Masterplan’, The Observer, 21 janvier 2024. []
  2. Harvard Humanitarian Initiative, World’s Forgotten Conflict Zones and Impact on Indigenous Peoples. []