Élections européennes : cartographie de l’extrême-droite

Tom_Van_Grieken, chef du Vlaams Belang, et Marine Le Pen du Rassemblement national au congrès du parti flamand - @Vlaams Belang CC SA BY 2.0 via wikicommons et flickr.jpg

Édouard De Guise – Correspondant à Paris, France

Alors qu’elles sont fréquemment décrites comme inutiles, ennuyantes ou prévisibles, les élections au parlement européen pourraient constituer un moment critique du projet politique de l’Union européenne (UE) en 2024. Une vague d’extrême-droite, composée de partis arborant slogans et images populistes ou xénophobes, semble déferler sur l’Europe en amont des élections prévues du 6 au 9 juin.

Issus de la plupart des États membres de l’UE, ces partis adoptent parfois des positions sournoises, présentant un visage paraissant favorable aux luttes et aux revendications populaires, qui semblent plaire à une frange croissante de l’électorat européen. Mais que sont ces partis? Quelles idées tentent-ils réellement d’avancer? Qui sont les figures de proue de cette mouvance qui grandit rapidement en popularité?

Identité et démocratie

Le groupe Identité et démocratie rassemble neuf partis nationaux européens d’extrême-droite. Les plus prolifiques sont sans doute le Rassemblement national en France, la Lega en Italie ainsi que l’Alternativ für Deutschland (AfD) en Allemagne.
À ces partis s’ajoutent six autres. Le Vlaams Belang, troisième parti de la Chambre des représentants de Belgique, réclame l’indépendance de la Flandres. Le FPÖ, parti dont les fondateurs sont issus du nazisme, est aussi le troisième parti en importance à la chambre basse autrichienne.

S’y retrouve également, le parti néerlandais dirigé par Geert Wilders qui a remporté les élections législatives aux Pays-Bas. Au premier chapitre de son programme politique, ce parti prévoit le gel des demandes d’asile, la restriction de l’immigration ainsi que l’interdiction des mosquées et des écoles coraniques.

Avant le Brexit, on pouvait également compter parmi les rangs de ce groupe le UK Independence Party (UKIP), mené jadis par Nigel Farage. Ce parti milite entre autres pour l’augmentation du budget militaire au Royaume-Uni alors que ce dernier se trouve en sixième position des pays avec les plus importantes dépenses militaires.

Cette alliance politique adopte une plateforme orientée sur trois axes : la démocratie, la souveraineté et la préservation des identités nationales. Il transparait de leurs déclarations politiques un désir de limiter la capacité d’agir de l’UE pour accorder une plus grande marge d’action aux législatures nationales. Cette action est d’ailleurs peu décrite dans leur programme politique, sauf pour leurs priorités absolues qui sont de réduire de manière importante l’immigration et les demandes d’asile en Europe pour prévenir « l’islamisation » du continent. Outre ces quelques lignes à saveur islamophobe, on retrouve un programme relativement fumeux, agrémenté de déclarations creuses et démagogiques telles que « L’UE doit cesser de s’immiscer dans les affaires intérieures de ses États membres ».

Sur le plan national, l’AfD a récemment fait l’objet de manifestations réunissant près d’un million et demi d’Allemands à travers le pays contre son projet politique. Ce dernier, consistant entre autres en la déportation de masse de personnes migrantes ou issues de l’immigration, rappelle la conférence de Wannsee où a été élaborée la « solution finale » en 1942. On y a dressé l’idée d’une ethnie allemande pure ainsi qu’un plan pour se débarrasser des personnes juives surtout qui n’y correspondraient pas et sur qui ont met la faute d’une pléthore de problèmes sociaux, a rappelé une professeure de civilisation allemande à la Sorbonne((https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-internationaux/en-allemagne-le-parti-d-extreme-droite-pourrait-il-etre-interdit-pour-sa-proximite-avec-les-neonazis-5866145)).

Identité et démocratie se compose donc de partis relativement populaires sur les plans nationaux ainsi que d’une plateforme axée sur l’expulsion de personnes issues de l’immigration et des demandeurs d’asile et le plombage des pouvoirs de l’UE pour favoriser les législatures nationales.

Conservateurs et réformistes européens

L’autre groupe d’extrême-droite au Parlement européen est composé de partis également très populaires dans leur pays respectif. Ces partis présentent des positions tout aussi à droite que leurs homologues du groupe Identité et démocratie. Par exemple, le parti PiS (droit et justice) en Pologne, tout récemment battu par une coalition menée par l’ancien président du Conseil européen Donald Tusk, avait fait adopter une loi limitant l’accès à l’avortement uniquement à des cas de danger mortel pour la mère.

En Italie, c’est entre autres aux droits des personnes homosexuelles que s’est attaqué Fratelli d’Italia, le parti dirigé par Giorgia Meloni, l’actuelle présidente du Conseil des ministres européens et présidente d’Italie. En effet, ce parti s’oppose à l’adoption par des couples de même sexe, au mariage homosexuel ainsi qu’à l’union civile pour les couples homosexuels. Le parti milite également pour limiter l’accès à l’avortement dans diverses régions du pays.

En Espagne, c’est le parti Vox qui adhère à ce groupe parlementaire. Ce parti est connu pour ses sorties fréquentes contre les nationalismes basque et catalan, pour son climato-scepticisme ainsi que pour son ultraconservatisme, rappelant pour certains l’ère du dictateur ultranationaliste Franco.

Moins populaire que le précédent, ce groupe utilise toutefois des thèmes semblables pour construire son programme politique. S’attaquer à l’immigration, douter de la science qui soutient la lutte aux changements climatiques, souhaiter sacrifier les pouvoirs des institutions de l’union sur l’autel de la souveraineté nationale : les sujets semblent esquisser un programme commun à tous les partis qui composent les deux constellations de l’extrême-droite.

Alors que le programme officiel des Conservateurs et réformistes européens mentionne l’action climatique au sein de ses objectifs politiques, le groupe est composé de partis nationaux notoirement climatosceptiques. Il s’agit toutefois d’un des rares cas où les deux groupes parlementaires divergent puisqu’Identité et démocratie n’indique nulle part vouloir s’attaquer à la question climatique.

Que disent les sondages?

Les partis d’extrême-droite ont toujours existé en politique, que ce soit en Europe ou ailleurs. Piaffant d’ire à la vue de migrant.es qui ne se conforment pas à leur idéal civilisationnel ou vociférant leurs idées saugrenues en marge de débats politiques réunissant les partis plus conventionnels, ils inquiètent rarement les gauches par leurs résultats minimes dans les sondages.

Or, c’est précisément ce qui inquiète plusieurs analystes en amont des élections de juin 2024 : les sondages. Les deux principaux groupes politiques ont des intentions de vote plutôt stables en rapport aux dernières élections. Ce sont toutefois les groupes des Verts et de Renew (centre-droit libéral, composé entre autres du parti d’Emmanuel Macron), qui verraient leur soutien fondre. Renew détient actuellement la balance du pouvoir en étant le troisième parti de la coalition informelle qui gouverne l’UE.

Or, les sondages prédisent que ce groupe serait dépassé par Identité et démocratie, forçant potentiellement EPP (European People’s Party – Parti populaire européen), le parti de centre-droite qui mène dans les sondages, à s’entendre avec l’extrême-droite pour former une coalition. Les intérêts ultranationalistes, climatosceptiques et xénophobes pourraient donc faire leur entrée pour la première fois dans une coalition qui gouvernerait l’Union européenne.

L’état actuel de la gauche européenne laisse peu d’espoir pour une remontée qui permettrait de préserver un cordon sanitaire au parlement européen, les divers partis de gauche étant actuellement plombés par une désunion totale, des désaccords sur des enjeux sociaux ainsi qu’un effondrement du soutien des classes populaires.

1 COMMENTAIRE

Les commentaires sont fermés.