Impression d'émancipation de 1863 par Thomas Nast provenant de la collection "African American History Graphics Collection" de la Library Company of Philadelphia. CC0 : https://digital.librarycompany.org/islandora/object/Islandora%3A65210

Rozana Ryan

Des souffrances de l’esclavagisme aux défis actuels, les noir.es au Québec portent un héritage de résistance et d’espoir. Le Mois de l’histoire des Noir.es est une période dédiée à l’éducation et à la reconnaissance des personnes noires. Elle a comme raison d’être de préserver le devoir de mémoire et de célébrer l’apport social, culturel et artistique des communautés noires.

La population noire fait partie intégrante de l’histoire du Québec depuis les premiers jours de la colonie, mais leurs récits et leurs héritages restent généralement méconnus. La présence historique des noir.es est trop souvent occultée dans notre mémoire collective.

D’où viennent les noir.es au Québec ?

Au cœur du XVIIe siècle, l’esclavage était monnaie courante en Nouvelle-France. Les Africain.es, provenant de Madagascar et de la Guinée, étaient asservi.es aux côtés des Autochtones. Des milliers d’esclaves étaient traités comme des biens, soumis à une déshumanisation brutale au service des intérêts économiques.

Avec la conquête britannique de 1760, l’esclavage perdure sous la nouvelle juridiction britannique en Amérique du Nord. La Révolution américaine apporte un nouvel afflux d’esclaves arrivant avec leurs maîtres loyalistes, solidifiant l’esclavagisme comme institution jusqu’à son abolition en 1834.

Leur histoire est marquée par des vagues migratoires diverses, des premières cohortes de réfugié.es des États-Unis voulant s’affranchir, aux populations immigrantes qualifiées des Antilles et d’Afrique, arrivées dans les années 1960. Même si la population noire du Québec est relativement peu nombreuse au XXe siècle, à cause notamment des politiques discriminatoires d’immigration, elle contribue à la diversité physique du peuple québécois depuis sa fondation coloniale.

Montréal, en particulier, a été le foyer de nombreuses communautés noires francophones et anglophones, dans des quartiers comme la Petite-Bourgogne où l’histoire des chemins de fer et de la ségrégation ont laissé une empreinte indélébile. Ce quartier a été un centre culturel qui a façonné l’identité et la vitalité de Montréal comme plaque tournante du jazz dans les années 1920.

Aujourd’hui, alors que les enjeux de pauvreté et d’embourgeoisement menacent les quartiers noirs historiques, on réalise que même après 400 ans de présence noire, leurs réalités sont teintées par le racisme et la discrimination, héritages persistants de l’oppression du passé.

Les cicatrices du passé

Le racisme a laissé des cicatrices profondes dans l’histoire du Québec. La ségrégation au XIXe et XXe siècle frappait les écoles du primaire à l’université, particulièrement les départements de médecine, mais aussi le logement locatif, ou encore le service militaire, entraînant la création du 2e Bataillon de construction, appelé aussi le Bataillon noir durant la Première Guerre mondiale.

Le racisme anti-noir se manifeste notamment de nos jours à travers des microagressions, la brutalité policière, le profilage racial, les inégalités en matière de santé et la surreprésentation des noir.es dans le système carcéral canadien. Le poids de l’histoire se fait encore sentir de nos jours et le racisme actuel se manifeste toujours à travers des dynamiques subtiles et systématiques.

La non-reconnaissance du racisme systémique par le gouvernement, symbolisée par les propos de François Legault, reflète une réalité plus large de déni et d’ignorance. Le racisme systémique ou institutionnel se manifeste dans les politiques et les pratiques des institutions sociales et politiques et continue de priver certains groupes d’un traitement juste et équitable.

Le Québec d’aujourd’hui se retrouve à la croisée des chemins, confronté à la montée du nationalisme conservateur qui se concentre autour de la défense de la laïcité et des travers de la promotion du français.

Dans la richesse de la diversité des noir.es au Québec, on découvre une histoire marquée par la lutte contre le racisme et les discriminations, comme celles de Bromley Armstrong et Ted King. Ils ont mené des campagnes contre la discrimination et contesté la ségrégation, contribuant ainsi à l’amélioration des droits de l’ensemble des communautés noires.

Sur le plan culturel et artistique, les artistes afro-québécois et canadiens ont créé une identité distincte, puisant dans leurs racines africaines pour inspirer leur musique, comme en témoignent les événements annuels Afrofest et Nuits d’Afrique.

L’histoire des Noir.es reste à écrire, avec ses défis et ses résistances, mais aussi avec ses moments de fierté et d’inclusion. Il est temps de construire une mémoire québécoise véritablement inclusive et collective. Le Mois de l’histoire des Noir.es appelle à l’action pour une plus grande solidarité dans ce combat contre le racisme. Il est crucial d’agir pour la reconnaissance de la diversité des contributions des personnes noires au Québec et au-delà.

Quelques chiffres

  • Les noir.es au Canada forment 3,5 % de la population totale et 15,6 % de la population racialisée en 2016.
  • 94,3 % de la population noire canadienne vit en région urbaine.
  • L’Ontario regroupe 52,4 % des noir.es du Canada alors que le Québec en compte 26,6 %. Près d’un demi-million de noir.es vivent à Toronto.
  • Le taux de chômage des noir.es au Canada était de 9,2 % en 2016 contre 5,3 % pour le reste de la population.
  • Le taux d’emploi était de 78,1 % pour les hommes noirs et de 71,0 % pour les femmes noires, en deçà du taux d’emploi de la moyenne canadienne.
  • 83 % des personnes noires avant 1981 proviennent de la Jamaïque et d’Haïti. Depuis 2011, 27 % proviennent de ces deux pays et 65 % d’Afrique.
  • La population noire a doublé de 1996 à 2016.

 

Sources :

Pour aller plus loin