La pandémie de covid -19 a des effets sur à peu près tous les aspects de la vie. Son impact sur l’expérience de la mort est particulier. La mort est au centre de la pandémie. Les mesures sanitaires cherchent spécifiquement à stopper la surmortalité due à cette maladie. Les médias se sont fait un devoir de rapporter le nombre quotidien de décès dans toutes les juridictions du monde. Dans ces circonstances, une réflexion sur le deuil s’impose. Les rites funéraires sont des « rites de passage » comme l’écrivait dès 1908 l’anthropologue Arnold Van Gennep.
Le rôle des funérailles est d’accompagner les proches dans leur processus de deuil. La pandémie a perturbé considérablement ce rituel. D’abord, les personnes qui décèdent de la covid-19 ne reçoivent pas les égards traditionnels au corps (toilette, exposition, etc.). Pour certains, ce changement dans la ritualité funéraire peut sembler anodin, mais pour d’autres, il peut s’agir d’une entrave majeure à leur guérison émotionnelle. Surtout que beaucoup de décès reliés à la covid-19 prennent les proches par surprise.
De plus, la pandémie comporte la caractéristique de venir déranger l’ensemble des funérailles. Les mesures sanitaires limitent le nombre de personnes pouvant assister aux obsèques. Au Québec par exemple, elles sont limitées à 25 personnes. Il n’est pas possible également pour les invités de se réunir après la cérémonie et d’échanger autour d’un repas. Les gens doivent se dire au revoir dans un stationnement. Le masque cache considérablement les émotions. L’aspect expéditif et impersonnel de la formule actuelle peut certainement rendre des personnes inconfortables.
Selon la sociologue française Gaëlle Clavandier, les rites funéraires comportent trois séquences : l’adieu, le deuil et le souvenir. Même si la culture funéraire s’est fortement sécularisée partout en Occident depuis quelques décennies, il n’en demeure pas moins qu’au niveau psychologique, les personnes qui perdent un proche ont des étapes à franchir pour surmonter cet événement qui peut s’avérer traumatique. Le deuil est au centre de ce processus. Il se produit après l’adieu et avant le souvenir. Il est construit par l’adieu et permet la sérénité du souvenir. Les funérailles font partie de l’exercice de l’adieu, et dans l’éventualité d’un adieu insatisfaisant ou décevant, le deuil peut devenir difficile. Il peut prendre plus de temps et être très douloureux.
Évidemment, les mesures sanitaires mises en place par les gouvernements sauvent des vies et il serait bien malvenu de lever ces restrictions pour mieux vivre les rites funéraires. Des infections pourraient survenir durant ces célébrations et provoquer d’autres décès. Il est plutôt crucial de prendre conscience de l’importance de la qualité de l’adieu funéraire dans le processus du deuil et de comprendre à quel point les perturbations risquent de chambouler certaines personnes. Le deuil est une étape essentielle à franchir qui peut s’échelonner sur une longue période, il est nécessaire que des programmes d’accompagnement spéciaux soient mis en place pour les personnes endeuillées depuis le début de la pandémie.
Le 11 mars 2021, le gouvernement du Québec a organisé une cérémonie en hommage aux victimes de la covid-19. Sur le parvis de l’Assemblée nationale, le premier ministre, des travailleurs du réseau de la santé et des personnes endeuillées se sont recueillis. Cette journée a été choisie parce que c’est le 11 mars 2020 que l’Organisation mondiale de la santé annonçait officiellement que le monde faisait face à une pandémie. Dans les prochains mois et les prochaines années, des célébrations comme celle-ci seront les bienvenues et seront bénéfiques.