Texte collectif paru dans le Devoir du 7 mars 2017
La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés prévoit que les États contractants n’appliqueront aucune sanction pénale aux demandeurs d’asile qui entrent irrégulièrement sur leur territoire dans la mesure où ces derniers se présentent aux autorités et leur exposent leurs craintes de persécution. Par conséquent, il n’y a rien d’illégal à traverser irrégulièrement la frontière canado-américaine pour revendiquer l’asile, et c’est pour cette raison que les demandeurs d’asile accourent vers les agents de la GRC aussitôt le passage réussi, et ce, sans être passibles de quelconque sanction. Du même coup, une fois l’asile revendiqué et leur identité établie, ces personnes quittent les bureaux frontaliers en toute légalité dans l’attente du traitement de leur demande au Canada. Ces passages sont certes irréguliers, mais ils sont tout à fait légaux.
Depuis l’élection du président américain Donald J. Trump et notamment depuis sa signature de plusieurs décrets exécutifs — suspendus ou non — limitant les demandes de protection aux États-Unis, le Canada a connu une croissance de passages irréguliers à sa frontière sud. Ces passages s’expliquent par l’existence d’une Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs qui interdit, sauf exception, à une personne se trouvant aux États-Unis de revendiquer l’asile au Canada. Essentiellement, une personne se présentant directement à un poste frontalier canadien pour demander l’asile depuis les États-Unis y sera immédiatement retournée, quels que soient ses motifs d’asile. Or, une demande d’asile faite en sol canadien, elle, n’est pas soumise à cette interdiction, et ces passages irréguliers permettent donc aux demandeurs d’asile de revendiquer la protection du Canada aussitôt la frontière traversée.
Une « entente » canado-américaine contre les immigrants
L’Entente entre le Canada et les États-Unis est donc la principale cause de ces entrées irrégulières, et sa suspension doit rapidement être décrétée afin de permettre à toute personne de revendiquer l’asile au Canada sans devoir entreprendre un difficile et dangereux périple mettant en danger sa vie, sa santé et sa sécurité. Quelles que soient les mesures entreprises pour bloquer les frontières, l’histoire a bel et bien démontré qu’une personne ou une famille qui craint pour sa vie prendra tous les moyens nécessaires afin d’assurer sa sécurité.
Les décrets adoptés par le nouveau gouvernement américain ont un impact réel et grave sur les demandeurs d’asile aux États-Unis qui sont maintenant plus à risque d’être détenus pour des périodes prolongées, de ne pas être représentés par avocat et même d’être expulsés sans que leurs craintes de persécution soient entendues. Devant l’insécurité et l’incertitude qui poussent ces personnes à traverser irrégulièrement la frontière, le Canada doit démontrer humanisme et compassion, et éviter toutes dérives sécuritaires injustifiées.
Toute mesure renforçant la sécurité frontalière n’aura pour effet que d’aggraver les risques et d’augmenter la vulnérabilité, notamment, de femmes et d’enfants sollicitant la protection du Canada. Au contraire, la suspension de l’Entente aura pour effet de mettre immédiatement fin à tout passage irrégulier en permettant de demander l’asile aux postes frontaliers, laissant alors la Commission de l’immigration et du statut de réfugié juger du bien-fondé de la demande de protection. Les signataires de cette lettre demandent donc au gouvernement canadien de décréter la suspension immédiate de l’Entente, et ce, de manière à protéger la vie, la santé et la sécurité des plus vulnérables de notre société.