Mahé Elipe, Mémoire des luttes, janvier 2017
Article de Mahé Elipe et Hans Lucas
Dans le village mexicain de La Patrona, près d’Amatlán de Los Reyes dans l’Etat de Veracruz, un groupe de femmes vient en aide aux migrants d’Amérique centrale qui tentent le long et périlleux voyage vers les Etats-Unis à bord des trains de marchandises.
Las patronas (les patronnes), est un groupe d’une quinzaine de femmes vivant dans le village de La Patrona ou ses alentours. Depuis 1995, origine du mouvement, Norma Romero, la fondatrice, ses soeurs, filles et voisines ont pris sur elles de nourrir les migrants du Honduras, du Salvador ou encore du Guatemala qui voyagent à bord de « La Bestia », train de marchandise qui traverse le Mexique et permet d’accéder à la frontière des Etats-Unis.
Initialement rejetée par les locaux, leur action a finalement obtenu gain de cause après dix années d’efforts. Les patronas sont aujourd’hui respectées dans le pays et ont attiré l’attention de nombreux médias et acteurs politiques. Une popularité qui n’a rien changé à leur combat : depuis 21 ans, leurs journées sont toujours occupées par leur désir de venir en aide aux migrants affamés qui fuient la violence des gangs et le manque d’opportunités. Une chose normale pour Norma Romero : « Pour chaque jeune homme ou femme qui voyage sur ce train, il y a une mère qui souffre et prie pour son enfant. Quand nous les voyons, cela nous fait penser à nos enfants et nous donnent envie de les aider. »
C’est au sein d’une ancienne usine d’huile, transformée en refuge, que les patronas cuisinent les précieux sacs de nourritures. Dès le matin, quelques unes partent récolter les dons et les invendus des supermarchés alentours, tandis que le reste s’attaque à la préparation des repas. Riz, haricots, pain, tortillas, pâtisseries et bouteilles d’eau seront distribués aux migrants accrochés au train en marche en l’espace de 5 minutes, mais l’attente du train est longue. « On ne sait jamais quand le train va passer » explique Bernarda, l’une des patronas. « Il n’a pas d’horaire précis, et on l’entend parfois arriver de façon totalement inattendue, parfois de nuit, ce qui nous laisse très peu de temps pour courir à sa rencontre. »
Seules certitudes pour ces bénévoles : jusqu’à trois trains par jour, un qui-vive permanent et le geste d’amour à l’arraché sur le bord des voies.