Théa Lombard, correspondante au journal et stagiaire à Alternatives
Pour clôturer la série sur la crise en Palestine organisée par l’Upop au Café Les Oubliettes, Zahia El Masri et son fils, Nimer Hasan, ont évoqué ensemble la situation actuelle dans les territoires palestiniens et les perspectives d’avenir. Abordant le rôle et l’utilisation des réseaux sociaux, les accomplissements et les espoirs de plusieurs générations de Palestinien.nes ainsi que la possibilité d’un retour sur leurs terres, la conférence permit également de revenir sur les moyens de résilience et de soutien à mettre en place par la société civile.
Zahia El Masri est palestinienne et vit au Québec. Elle a mis sur pied le Collectif des femmes pour la Palestine. Née dans une famille réfugiée au Liban, ses parents ont connu la Nakba, «la grande Catastrophe» pour les Palestinien.nes. A leur départ forcé, ils ont emporté la clé de la maison familiale, maintenant située en territoire israélien. Cette clé apparaît comme le symbole d’un retour, un témoin historique des événements passés et un legs familial important, transmis de génération en génération. La quête du retour est donc cruciale. Mais comment l’envisager ? Quel avenir pour la Palestine et son peuple ?
L’utilisation des réseaux sociaux
Il y a plusieurs décennies, le soutien en faveur de la Palestine s’exprimait par des pamphlets et du porte-à-porte. La Palestine était moins visible dans les grands médias, l’accès aux informations étant rendu plus difficile. Facebook s’est alors avéré comme un réseau social utile et informatif.
Actuellement, la censure mise en place par Meta invisibilise et supprime certains contenus politiques et militants. Elle a occasionné de nombreux changements quant à l’usage des médias sociaux. TikTok s’est alors imposé comme un outil propice au partage d’informations et son utilisation s’est renforcée à partir de 2021, avec l’apparition de contenus davantage politiques et politisés, et avec moins de restrictions et de contrôles.
Dorénavant, les informations ne proviennent plus des grands médias, mais de la population elle-même, qui utilise les médias sociaux comme moyen d’expression, de partage et de rassemblement, à l’instar notamment de journalistes palestinien.nes, telles que Bisan Owda ou Plestia Alaqad. 1
Ainsi, la manifestation en soutien à la Palestine, qui s’est tenue à Ottawa en novembre dernier et qui a rassemblé près de 100 000 personnes, fut essentiellement organisée à partir des réseaux sociaux.
Comme le mentionne Nimer, «reprendre le contrôle du narratif, c’est reprendre le contrôle de notre humanité». Cette reprise de contrôle du narratif passe donc par de nouvelles formes d’utilisation et de visibilité médiatique, dans lesquelles les vies humaines palestiniennes ne sont pas réduites en chiffres et statiques et dévalorisées.
Quel présent pour quel(s) futur(s)?
Comment envisager l’avenir concrètement dans la situation présente ? 33 000 mort.es, 70 000 blessé.es, 1,9 million de déplacé.es. Les personnes décédées, blessées, se font de plus en plus nombreuses. La population à Gaza connaît une situation de famine extrême, impactant les enfants en proie à la dénutrition et la malnutrition. En Cisjordanie, on dénombre près de 1000 décès, 4000 blessé.es ainsi qu’une importante augmentation de constructions de colonies illégales. Le territoire palestinien reste divisé et morcelé. 61 % du territoire restent interdits aux Palestinien.nes, qui subissent contrôles et discriminations quotidiennement.
Ces discriminations sont notamment renforcées par deux lois, la Loi d’Israël, État-nation du peuple juif et la Loi du retour. La première ne reconnaît le droit à l’autodétermination en Israël et dans les territoires occupés uniquement au peuple juif. La deuxième accorde le droit à toute personne juive d’immigrer en Israël ou dans les territoires occupés et d’obtenir automatiquement la citoyenneté israélienne. Cependant, Israël refuse le droit de retour aux Palestinien.nes expulsé.es et traite les citoyen.nes palestinien.nes vivant sur le territoire de l’État israélien, plus de 20 % de la population israélienne, comme des citoyen.nes de seconde zone.
Pour Zahia El Masri, il apparaît difficile de penser à une situation à deux États lorsque les territoires palestiniens sont ainsi fragmentés, qu’il n’y a pas de reconnaissance de la Nakba ou encore du génocide en cours. La reconnaissance des événements passés et actuels est cruciale dans l’établissement d’un état palestinien qui ne soit pas établi par «acte de charité» afin de mener à un «retour au calme et à la paix». Ce retour au calme et à la paix n’a pas la même symbolique après plus de 75 ans d’occupation et de violences.
Un avenir sous l’impulsion de diverses générations
La lutte pour la Palestine se poursuit donc, sous l’impulsion de diverses générations, notamment des jeunes qui sont en première ligne des combats, y compris au sein des universités. Ainsi, l’Université du Québec à Montréal fut la première à adopter, il y a quelques semaines, un mandat Boycott, Désinvestissements et Sanctions au sein de ses associations étudiantes. Cette action démontre l’implication et soutien des étudiant.es à la cause et la nécessité pour chacun.e de s’investir et militer.
Mahmoud Darwish, poète palestinien, l’écrit : «Nous souffrons d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir». Le droit au retour pour le peuple palestinien est un objectif et un rêve. Cependant, avant de rêver d’un pays, Zahia El Masri rêve d’abord d’une reconnaissance des Palestinien.nes, de leur résilience, de leur force, de leur sagesse et de leurs convictions. Avec cette force, on peut alors reconstruire un pays.