Revue de la semaine en Haiti, 30 mai-5 juin) : guerre des gangs, et Covid19

Maccénat André

La faillite de la police nationale d’Haïti (PNH) face aux lois des gangs armés

Depuis plus d’une semaine, à Cité Soleil, l’un des plus grands bidonvilles du pays, des gangs armés de s’affrontent. La fièvre de la guerre des gangs a fait son entrée dans la troisième circonscription de Port-au-Prince comprenant les quartiers de Martissant, Fontamara, Village de Dieu, Tibwa (Petit Bois) et Grand Ravine. Cette guerre sanglante oppose les chefs de gang Ti Lapli (Grand Ravine) et Izo (Village de Dieu) qui sse sont alliés contre Chrisla qui contrôle la région de Martissant-Fontamara-Tibwa. Cet affrontement a non seulement paralysé toute la partie Sud du département de l’Ouest, mais aussi a coupé l’accès à quatre départements géographiques (Sud, Nippes, Sud-Est, Grand Anse).

Le bilan est pour le moment méconnu. La PNH a perdu tout le contrôle de la situation et ne s’est même pas encore prononcée. Néanmoins, la presse locale a rapporté plusieurs morts, des dizaines de maisons détruites et brûlées, ainsi qu’un nombre incalculable de personnes qui se sont réfugiées sur une place publique de Fontamara et aux abords de la Marine haïtienne. Pour le moment, il est impossible de dénombrer les victimes, vue que ces zones sont inaccessibles même aux policiers. En l’espace de 24 heures plusieurs antennes de police localisées dans la commune de Cité Soleil et Port-au-Prince ont été prises d’assaut par des groupes de civils armés tuant 5 policiers et emportant armes et munitions. Il s’agit des antennes de Duvivier Plaine du Cul-de-sac, Drouillard, Station Gonaïves, le Sous-Commissariat de Portail Saint Joseph.  Pendant tout le week-end, des rafales d’armes automatiques ont été entendues au bas de Delmas causant encore le déplacement de plusieurs dizaines de personnes qui se réfugient maintenant au niveau du carrefour de l’aéroport et Delmas 30. Le bas de Delmas étant la base du caïd à la tête de la fédération dénommée G9.

Ce dimanche 6 juin, pour projeter l’image d’un gouvernement qui contrôle la situation, le premier ministre de facto Claude Joseph, sous forte escorte de sécurité, aurait visité la zone de Martissant et Fontamara. Conspué par des déplacés sur la place publique de Fontamara, il n’a pas pu parler à la population et rapidement a été forcé de remonter dans sa voiture. Selon des rumeurs persistantes, plusieurs millions de gourdes auraient été versés aux gangs pour que cette visite des lieux soit possible. Pendant ce temps, dans une note diffusée par certains médias, l’Office de la Protection du Citoyen (OPC) se dit inquiété par la situation qui sévit la zone de Martissant.

Parallèlement, l’industrie du kidnapping n’a pas chômé. Outre les cas non rendus public par crainte de représailles, un ingénieur italien a été enlevé le mardi 1er juin. Cet acte est revendiqué par le gang des « 400 mawozo » opérant dans la commune de la Croix-des-Bouquets et ses environs. Une forte rançon est réclamée pour sa libération.

            Comme la guerre des gangs armés, le covid-19 fait aussi plusieurs victimes

            « 69 cas et 3 décès s’ajoutent au bilan des victimes du nouveau Coronavirus en Haïti. En effet, selon l’avis numéro 394 du Ministère de la Santé Publique et de la Population, le bilan total passe à 15, 604 cas confirmés, 2,434 personnes hospitalisées, 328 morts et 12,557 patients traités » (Extrait, Vant Bèf Info, 6 juin 2021). Face à cette situation, le gouvernement de facto a prolongé l’état d’urgence sanitaire pour 15 jours supplémentaires. Le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) a ordonné la fermeture des classes à partir du 11 juin 2021, sauf celles d’examens officiels. « Les classes d’examens officiels sont autorisées à fonctionner au-delà de cette date dans le strict respect de la distanciation physique et des autres mesures de protection contre le coronavirus (Covid-19) » (Le Nouvelliste, 02 juin 2021).

Dans une intervention aux médias, la directrice de l’OPS-Haïti (Carissa Etienne) exprime une grande inquiétude par rapport à la hausse des cas de contamination. Pour le moment, même si l’État est incapable de faire des tests de dépistage massif, une « épidémie de fièvre » sévit dans la capitale haïtienne. En réalité, personne ne peut réellement la gravité de la situation sanitaire du pays.

Référendum illégal, mission OEA et rejet du référendum

Le gouvernement de facto de Jovenel Moise s’obstinait à organiser un référendum pour changer illégalement et inconstitutionnellement la constitution et des élections malgré la généralisation de l’insécurité et la dégradation de la situation socioéconomique en Haïti. Mais la situation sanitaire du pays semble compromettre ces projets. Presque tous les secteurs politiques et de la société civile avaient déjà manifesté leur désaccord. Cette semaine, l’Église catholique a encore appelé à renoncer au référendum. La mission de l’Organisation des États américains doit arriver sous peu. Selon un tweet du secrétaire général du parti politique Pitit Desalin (Moise Jean-Charles), ce parti a déjà décliné l’invitation au dialogue pour le 8 juin reçue de cette instance. Plusieurs partis politiques de l’opposition ont signé un accord ce week-end où ils « se disent favorables à la tenue, dans un délai raisonnable, d’élections crédibles, inclusives et transparentes dans le pays, écartent toutefois toute possibilité de cohabitation avec le président Jovenel Moïse » (Vant Bèf Info, 06 juin 2021).