Crises alimentaires au Mali et en Haïti

En Haïti, 44 % de la population vit en situation d’insécurité alimentaire aiguë ou élevée, selon l’Integrated Food Security Phase Classification. Crédit photo : Ben Edwards (USAID) via Creative Commons.
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Mariam Jama-Pelletier, correspondante en stage

Les crises climatiques qui frappent le Mali et Haïti menacent directement la capacité des familles rurales à se nourrir, alerte le Carrefour de solidarité internationale (CSI). Lors d’une conférence dans le cadre des Journée québécoise de la solidarité internationale, l’organisme a présenté deux projets conçus pour renforcer la résilience alimentaire dans des contextes fragiles.                                                                  

« Beaucoup d’agriculteurs produisent d’abord pour leur famille. Quand surviennent sécheresses, feux soudains ou pluies torrentielles, la disponibilité des aliments est directement compromise », rappelle Rosalie Laganière-Bolduc, chargée de projets internationaux au CSI.

Bien que ces deux pays soient éloignés et vivent des situations différentes, les responsables du projet soulignent que les défis sont transversaux et que les solutions doivent combiner aide immédiate et développement à long terme.

Mali : sécheresse et malnutrition

Entre 1970 et 2020, le Mali a été frappé par une quarantaine de chocs climatiques majeurs, selon la Banque mondiale. La sécheresse, à elle seule, a touché en moyenne 400 000 personnes par an et entraîné des pertes agricoles évaluées à près de 9,5 millions de dollars annuels.

« Le gouvernement n’est pas prêt. Il n’y a pas d’infrastructures ni de politiques suffisantes pour aider les populations à s’adapter », souligne Mme Laganière-Bolduc.

Au Mali, la crise nutritionnelle atteint un niveau inquiétant, avertit le CSI. La malnutrition aiguë globale touche 15 % de la population, dépassant largement le seuil d’alerte international de 10 %. La malnutrition chronique frappe 38 % des enfants de moins de cinq ans, et près d’un enfant sur cinq meurt avant 5 ans. 

Pour tenter de répondre à cette situation, le CSI a déployé un projet d’agroforesterie en partenariat avec l’organisation malienne Kilabo, financé par le ministère de l’Environnement du Québec. Trois « pépinières-écoles » ont été créées pour permettre aux producteurs d’expérimenter des techniques résistantes au climat sans mettre en péril leurs récoltes. « Les agriculteurs hésitent à tester de nouvelles méthodes. Si ça échoue, leur famille en subit immédiatement les conséquences », explique Mme Laganière-Bolduc.

Certaines régions montagneuses du nord-est sont aussi touchées par des glissements de terrain. « Les cultures sont en altitude. Dès qu’il pleut trop, tout part avec le sol », décrit la responsable. Un projet précédent avait introduit la culture par étages, associant le café à des arbres aux racines profondes comme le moringa, pour stabiliser les sols et limiter les pertes.

Haïti : insécurité alimentaire

En Haïti, 44 % de la population vit en situation d’insécurité alimentaire aiguë ou élevée, selon l’Integrated Food Security Phase Classification. 

« C’est une crise multidimensionnelle, surtout politique. L’État est désorganisé et les gangs reprennent du terrain », rappelle une intervenante du CSI. Dans ce contexte, chaque initiative humanitaire doit composer avec des obstacles logistiques et sécuritaires majeurs.

Le CSI vient de lancer un projet financé par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, basé sur des pompes à pédales, un système d’irrigation manuel adapté aux petites exploitations. « C’est rudimentaire, mais cela peut faire une grande différence. Nous voulons documenter comment ces pratiques soutiennent les communautés », explique Mme Laganière-Bolduc. L’acheminement du matériel a été un défi : « Les gangs contrôlent certains ports et aéroports. Faire entrer les pompes en Haïti a été toute une épreuve. »

L’organisation collabore avec plusieurs universités locales pour assurer la collecte et l’analyse des données sur le terrain. Dans les villages de montagne, la crise climatique provoque des glissements de terrain et rend la gestion de l’eau cruciale. « Les pompes mécaniques existent, mais elles sont trop coûteuses. Les pompes à pédales offrent une solution accessible, presque vitale », insiste la responsable.

Le programme comprend des parcelles expérimentales, des jardins modèles chez les familles et un important volet de formation sur la justice climatique, les droits des femmes et la gestion communautaire des points d’eau.

« En Haïti, on ne peut plus dissocier l’urgence humanitaire du développement à long terme. Les gens doivent manger aujourd’hui, mais il faut aussi préparer demain », souligne Mme Laganière-Bolduc.

« Notre objectif est d’augmenter la résilience des populations face aux chocs politiques et environnementaux, tout en favorisant une agriculture durable adaptée au climat », conclut la spécialiste. Même si les contextes diffèrent, les enjeux sont communs : changements climatiques, droits humains et inégalités de genre. Dans les deux pays, les agriculteurs doivent souvent privilégier des cultures rapides, mais qui épuisent les sols, ce qui complique encore la sécurité alimentaire.

Racines solidaires : regards croisés sur la sécurité alimentaire au Mali et en Haïti

Activité dans le cadre des JQSI
Conférence de Rosalie Laganière-Bolduc, chargée de projets internationaux – Mali au CSI

Mercredi 26 novembre 2025 en présence à l’Université de Sherbrooke et en ligne

Organisé par :  Carrefour de solidarité internationale avec l’appui de l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke