Être de gauche aux États-Unis

Entrevue de Bhaskar Sunkara, rédacteur en chef du magazine Jacobin

Bhaskar sera à Montréal cette semaine pour LA GRANDE TRANSITION.

Dans vos autres interviews, vous insistez souvent sur le fait que le jacobin est plutôt un produit de la jeune génération. Quelle est la particularité de cette génération?

Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose de spécial à propos de cette génération. Ce qui est différent, c’est juste le fait que les attentes face au travail et à la vie de cette génération sont beaucoup moins positives que celles qui existaient pour les générations précédentes. La situation économique a changé.  Une grande masse de jeunes aliénés, démantelés et sans emploi ont l’impression qu’ils méritent un emploi stable à temps plein comme leurs parents l’ont fait, mais ils n’y ont pas accès. Et évidemment, cela conduit à beaucoup de colère. Et je pense que le phénomène Sanders est révélateur de cela. Pendant des années et des années, le message dominant était à l’effet que le problème des jeunes était le résultat de leurs échecs personnels, l’échec à se recycler, l’échec à s’adapter à la nouvelle économie, l’échec à faire assez d’efforts pour trouver un emploi. Pour Sanders, les racines de ces problèmes sont sociales et les solutions à ces problèmes sont collectives. Et ainsi, une masse critique de la population jeune soutient maintenant une sorte d’État providence redistributif. Il est donc possible dans ce contexte de faire avancer la gauche.

Comment peut-on exprimer aux États-Unis une position de gauche radicale?

Si vous écrivez clairement et que vous écrivez sans jargon, mais que vous gardez une certaine profondeur analytique, c’est possible. Avec Jacobin, nous publions ce que nous voulons publier, en utilisant le cadre que nous pensons utile – un cadre marxiste et socialiste. Et nous avons également l’écoute d’une partie de la gauche libérale. Nous n’essayons pas de « cacher » le marxisme. Ce serait une grosse erreur. Je pense qu’il est préférable d’être clair.  Mais si vous laissez la terminologie et la langue marxistes seulement aux vieilles forces staliniennes, alors les gens n’auront jamais une conception du socialisme antiautoritaire.

En tant que socialistes, comment abordez-vous l’héritage du socialisme du passé ?  

Nous venions d’une tradition intellectuelle et politique qui a toujours été antistalinienne. La meilleure façon de répondre à l’anticommunisme n’est pas d’être sur la défensive. Nous n’avons aucun problème à parler de l’héritage positif du Parti communiste aux États-Unis et du travail d’organisation qu’ils ont accompli. De la même manière, nous n’avons aucun problème à parler du rôle joué par Cuba et d’autres forces en Angola, ou du rôle que les Soviétiques ont joué dans des endroits comme le Vietnam. Nous sommes très explicites sur le fait que notre modèle est différent de ceux qui existaient au cours de l’histoire. La pensée libérale affirme que le stalinisme n’est pas différent du nazisme. Que l’Union Soviétique et ceux contre lesquels ils se sont battus étaient essentiellement les mêmes – deux mauvaises forces se combattant les unes les autres. Pour être honnête avec l’histoire, nous critiquons ces visions.

Quel rôle a joué Jacobin dans l’ascension de Bernie Sanders?

Mais Je pense que nous avons contribué à la politisation de beaucoup de ceux qui sont activement impliqués sur le terrain pour lui, mais c’est en quelque sorte indirect. Bernie existerait, même sans nous. Nous avons soulevé la conscience de classe des activistes impliqués dans une certaine mesure. Et c’est notre but : élever le niveau d’organisation de la classe et la conscience et les perspectives des personnes engagées dans les mouvements réels.

Comment Jacobin fonctionne ?

Nous sommes structurés comme une publication, tous les éditeurs ont leur domaine d’expertise et d’intérêt. Si quelqu’un en sait plus sur un sujet, si quelqu’un publie plus sur un sujet, nous lui donnons du travail. Mais la chose principale est aussi que nous ne sommes pas une publication alarmiste. Nous avons simplement besoin de savoir en général quels sont les périmètres de notre politique, ce qui est acceptable, ce qui est inacceptable, nous n’avons pas besoin de savoir quelles positions il faut prendre.

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