La semaine en Haïti : 27 septembre – 3 octobre 2021

Herold Constant

Amplification des actes de criminalité

Les gangs armés renforcent encore leurs activités criminelles en Haïti depuis le début du mois de septembre. Après l’enlèvement accompagné d’assassinat perpétré dans une église protestante au Centre-ville le 26 septembre, un autre pasteur a été enlevé à l’intérieur d’une église à Delmas 29 ce dimanche 03 octobre. Seulement pendant cette semaine, la capitale enregistre plus d’une dizaine de victimes dont des jeunes, femmes, étudiants, policiers, enfants et personnes âgées. Pour le moment, il est difficile de les dénombrer compte tenu des faits que certaines familles se taisent par peur de représailles et la Police et la justice d’Haïti ne se montrent pas préoccupés par ces fléaux.

Selon l’ancien sénateur de l’Ouest Antonio Cheramy, cette remontée fracassante des actes de criminalité est une manœuvre des partisans de Jovenel Moise pour déstabiliser le gouvernement d’Ariel Henri qui a fait des alliances avec des opposants de l’ancien président de facto assassiné le 7 juillet passé. À en croire l’ancien sénateur, les « jovenélistes » en alliance avec des gangs réputés proches de Jovenel Moise seraient les principaux responsables de cette dernière vague d’insécurité et de criminalité. En tout cas, même si la presse locale n’en parle pas beaucoup, ce discours résonne fortement dans la société haïtienne dans un contexte où les partisans de Moise tentent d’instituer une doctrine politique « joveneliste ».

Ainsi, le 27 septembre, « dans plusieurs rues de la capitale, Port-au-Prince, notamment à l’avenue John Brown, communément appelée Lalue, et à l’avenue Lamartinière, plus connue sous le nom de « Bois Verna », ainsi qu’au carrefour des routes de Delmas et de l’aéroport international, pour protester contre les actes de kidnapping dans le pays » (Extrait, AlterPresse, 27 septembre 2021).

La Police Nationale d’Haïti (PNH) reste encore impuissante et ne montre aucune volonté réelle d’agir. Le vendredi 02 octobre, la PNH a tenté une opération à Martissant (entrée Sud de la capitale). « Pendant tout l’après-midi du vendredi et jusque dans la soirée, la route nationale numéro 2, théâtre d’affrontements armés entre les bandits de la zone et des policiers, était interdite à la circulation. […]. Pendant plusieurs heures, les membres du groupe armé et les policiers sur place se sont affrontés. Bilan : un agent de l’Unité départementale de maintien d’ordre (UDMO) a été tué et un véhicule blindé de la police incendié » (Extrait de Le Nouvelliste, 02 oct. 2021). En cette occasion, sept bandits auraient été tués, selon le Directeur Général de la PNH. Pour le moment, l’entrée sud de la capitale est toujours contrôlée par ces gangs armés, et reste donc presqu’impraticable.

Sources :

De la crise politique : les USA et Ariel Henry posent des pions

Après la démission fracassante de l’envoyé spécial des USA en Haïti (Daniel Foot) le 22 septembre dernier en raison, dit-il, des traitements inhumains proférés aux migrants haïtiens, une nouvelle mission diplomatique a été envoyée le 30 septembre 2021. Le journal Vant Bèf Info (29 septembre 2021) rapporte que ces émissaires ont discuté de la situation migratoire, de la sécurité, du contexte rétablissement post-séisme et de la pandémie de COVID-19. Avant de retourner au USA, ils ont rencontré divers acteurs politiques haïtiens autour de la crise politique; ils ont affirmé la volonté de leur pays de soutenir une « solution haïtienne » et ont proposé de fusionner les trois accords en discussion en vue d’une sortie de crise. Ils ont aussi laissé aussi croire que les USA serait en faveur d’une transition aussi longue que nécessaire en vue permettre un retour à l’ordre constitutionnel.

Du côté du Premier Ministre de facto, Ariel Henri, quelques actions ont été posées cette semaine. Le 27 septembre, il a renvoyé par un arrêté les membres du Conseil Électoral Provisoire (CEP) qui étaient illégalement chargés par Jovenel Moise d’organiser les élections et un référendum pour changer la constitution du pays. Le 30 septembre, son gouvernement a levé l’interdiction de voyage à l’étranger imposée par Jovenel Moise contre le juge de la Cour de cassation, Joseph Mécène Jean Louis, qui a été désigné président provisoire le 08 février 2021. Le vendredi 1er octobre, il a remis en place le conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Selon lui, le but est de remettre en marche le système judiciaire qui était dysfonctionnel depuis plusieurs mois. Toutefois, ces actions agrandissent sa discorde avec la frange dite « jovenéliste » de son gouvernement. Entre temps, Martine Moise, la veuve du président de facto assassiné est actuellement en Haïti pour être entendue par la justice haïtienne dans le cadre de l’enquête sur ce dossier. Elle a profité pour visiter plusieurs localités, dont une qui était sévèrement affectée par le séisme du 14 aout. Pour plus d’un, c’est le début de sa campagne électorale pour la présidence d’Haïti.

Source :

Économie et migrations  

Le samedi 02 octobre 2021, il fallait 97,52 gourdes pour 1 $ us. Cette donne est un important indicateur de la hausse des prix des produits de première nécessité, notamment des produits pétroliers. Malgré la situation critique d’Haïti, le gouvernement des États-Unis continue avec sa politique de déportation massive des Haïtiens. Selon un tweet du journaliste Gotson Pierre (3 oct. 2021), plus de 6 000 migrants ont été déportés par les autorités américaines en une semaine, soit plus que durant le mandat de Donald Trump.  Arrivés en Haïti, ces expulsés ont exprimé leurs inquiétudes par rapport à la violence des gangs armés, mais aussi leurs frustrations contre les autorités haïtiennes et américaines qui, selon eux, leur ont traité de manière indigne et injuste. Malgré le mauvais traitement et la déportation massive, d’autres milliers haïtiens sont encore en route pour les USA. Selon le numéro un de l’OIM, « il y a 14 000 migrants au Texas, 28 000 au Mexique, 20 000 en Colombie, entre 900 et 1000 aux Bahamas » (Extrait, Le Nouvelliste, 30 septembre 2021). Ainsi, « Plusieurs syndicats des transports et de la sous-traitance, dont CSH, MUTH, Plamotah, ont appelé à la grève générale le lundi 4 octobre 2021. Le lundi 4 octobre sera une journée de grève nationale contre le kidnapping, la pénurie ayant provoqué la flambée des prix du carburant et la mauvaise gestion du dossier des migrants haïtiens déportés des États-Unis […] » (Extrait, Le Nouvelliste, 29 sept. 2021).

Sources :