La semaine en Haïti : remontée du covid, référendum inconstitutionnel et insécurité

GRANDS FAITS DE LA SEMAINE DU 24 AU 30 MAI 2021

Hérold Constant

 

  1. Inquiétudes par rapport à la remontée du covid-19

Depuis le début du mois de mai, le nombre de cas positifs au covid-19 et de morts officiels liés à l’infection ont considérablement augmenté par rapport à la première vague. Le 14 mai, le ministère de la santé publique et de la population (MSPP) avait annoncé la présence des variants britanniques et brésiliens sur le territoire haïtien. Le gouvernement de facto avait décrété un état d’urgence sanitaire de 8 jours (22 au 30 mai 2021) accompagné d’un couvre-feu de 22h à 5h.

Le Nouvelliste (28 mai 2021) écrit que « le 22 mai, le pays a enregistré officiellement 91 nouveaux cas de contamination et 10 décès. C’est la première fois depuis le début de l’épidémie que le pays enregistre autant de morts en une seule journée ». Selon le MSPP, Haïti a dépassé la barre de 14 mille à partir du 25 mai 2021. AlterPresse (24 mai 2021) rapporte que « plusieurs cas de décès et contamination chez des personnalités publiques sont signalés, ces derniers jours ». Après le directeur général de l’Office National d’Assurance-Vieillesse (ONA) décédé le 22 mai 2021, un ancien sénateur du département de la Grand-Anse (Maxime Roumer) et une ancienne directrice de la Direction de Protection Civile (Dr Jeanne Marie Yolène Vaval Suréna) ont été décédés du covid-19 (respectivement le 27 et 28 mai 2021). La mort de ces personnalités publiques et les rumeurs entourant celles d’autres figures très connues de la société font grossir l’inquiétude au sein de la population, qui, connait l’état délabré des hôpitaux et la cherté des soins de santé en Haïti.

Toutefois, il y a deux éléments importants à souligner. Premièrement, ces données du MSPP ne reflètent nullement la réalité sanitaire du pays. Non seulement les infrastructures sanitaires sont défaillantes, mais le gouvernement de facto n’a jamais manifesté un réel intérêt d’éviter la catastrophe. On se rappelle par exemple des déclarations fracassantes du ministre des Travaux Publics (Nader Joiséus) au début de la pandémie, où il expliquait la principale préparation de son gouvernement pour faire face à la pandémie consistait en la construction des fosses communes pour enterrer les morts par milliers. Deuxièmement, il convient aussi de souligner que paradoxalement, une bonne frange de la population continue à se méfier des chiffres publiés par le MSPP, le suspectant de connivence avec le pouvoir de facto qui voudrait augmenter la peur en vue de faire passer ses projets chimériques (référendum et élections). Même dans le malheur, la parole de ces dirigeants n’a aucune crédibilité au sein de la population.

  1. La date référendum illégal approche : la société civile se mobilise pour le défier

Bien que le conseil électoral n’ait pas pu évaluer plus 35 centres de vote (situés notamment à Martissant et au Bélair) à cause du climat d’insécurité, Jovenel Moise tient fermement à son projet changement de la constitution du pays, malgré que tous les secteurs de la société haïtienne (et même une frange de la communauté internationale) le contestent. Le gouvernement poursuit ses tractations en Haïti et à l’étranger pour atteindre ces buts. Le 24 mai 2021, il dit s’être entretenu avec l’ambassadrice des États-Unis en Haïti. Au cours des semaines passées, des réunions et des activités liées au « référendum », en Haïti comme dans la diaspora (notamment à New York), ont été perturbées par des militant-e-s. Entre temps, de son côté, l’opposition politique a continué sa tournée dans plusieurs villes du pays. Le National (26 mai 2021) rapporte qu’un nombre important d’organisations et partis politiques ont boudé les appels du gouvernement à la collaboration.

Dans une note publiée à la fin de la semaine, l’ancien sénateur et président provisoire Jocelerme Privert a qualifié ce projet d’une « mascarade » qui vise la violation des lois du pays. Plusieurs autres voix se sont élevées durant la semaine pour dénoncer son illégalité et son inconstitutionnalité. En revanche, le gouvernement, par le biais de son ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales, le néo-duvaliériste Gonzague E. Day, répond par des menaces répressives d’arrestations et d’emprisonnements de toute personnes qui oserait s’opposer à ce projet. Pourtant, un sit-in est prévu le lundi 31 mai devant les locaux du bureau électoral dans la ville de Plaisance du Nord. D’autres mouvements de protestation sont aussi annoncés partout dans le pays par les partis politiques de l’opposition. Vu la ferme volonté du gouvernement de facto, ce projet chimérique risque de tourner au drame.

Du côté de la communauté internationale, comme l’Union Européenne, « les États-Unis ont regretté lundi le manque de transparence entourant la préparation du référendum constitutionnel en Haïti voulu par le président Jovenel Moïse et exprimé leur ‘’profonde préoccupation’’ face à ‘’l’impasse politique’’ dans l’île caribéenne », rapport TVA Nouvelles (24 mai 2021). Une mission de l’Organisations des États Américains (OEA), composée des représentants du Canada, du Costa Rica, de l’Équateur, des Saint-Vincent et Grenadines et des États-Unis, doit arriver en Haïti sous peu dans le but (officiel) de faciliter un dialogue politique en vue des « élections libres, transparentes et équitables ». alors que jusqu’à présent, les partis politiques de l’opposition et la majorité des organisations de la société refusent toute initiative électoral incluant Jovenel Moise.

  1. L’insécurité continue, malgré la pandémie et le projet chimérique du 27 juin

Si les rumeurs font croire qu’un accord a été trouvé entre le gouvernement de facto et ses gangs armés pour suspendre provisoirement le kidnapping en vue de faciliter la réalisation du référendum, les cas d’enlèvement ont recommencé après quelques semaines de baisse. Le 20 mai, un jeune couple a été enlevé à Pétionville. La mère de la fille serait morte après avoir appris la nouvelle. Ce qui a été à l’origine d’un mouvement de protestation (26 mai 2021) dans la ville de Jacmel, leur région d’origine. Ce même 20 mai, un jeune entrepreneur a été aussi enlevé à Caradeux/Tabarre. Ces victimes ont été finalement libérés après plus d’une semaine de séquestration contre rançon. Comme d’habitude, les rumeurs font croire que plusieurs autres cas ont été enregistrés, mais les familles victimes évitent de les rendent publics par crainte de répression.

Le 25 mai, selon une note de Médecins Sans Frontières (MSF), un de ses employés a été tué par balles. Le samedi 29 mai, un minibus de transport collectifs qui assurait le trajet de Port-au-Prince au Nord du pays, au bord duquel se trouvaient deux journalistes de Radio-Télévision Caraïbes, a été attaqué par des bandits armés à hauteur de Titanyen (nord de la capitale). Cette attaque a causé la mort d’un jeune homme dont l’identité n’a pas été révélé.