Haïti (revue de la semaine du 29 mars au 5 avril 2021)

Constant Herold

Mobilisations contre la dictature

Sous l’appel de plusieurs secteurs de la société civile, trois grandes journées de mobilisations ont eu lieu le 28, 29 et 30 mars passé à l’occasion de la 34e anniversaire de la constitution de 1987. Plusieurs milliers de personnes ont regagné la rue malgré l’insécurité publique grandissante pour réclamer le respect de cette constitution, le départ immédiat de Jovenel Moise et l’instauration d’une transition qui rétablira la paix et la sécurité dans le pays. Les protestataires en ont profité pour enlever et brûler les pancartes mise en place par le gouvernement de facto pour sensibiliser la population sur le référendum visant à amender inconstitutionnellement cette constitution. Au cours de la journée du 3 avril, des centaines de personnes ont encore regagné la rue à l’occasion de la journée nationale du mouvement des femmes haïtiennes pour dénoncer la violence des gangs armés notamment envers les femmes et défendre la démocratie.

Insécurités et massacres

Entre temps, la crise persiste au sein de la Police Nationale d’Haïti (PNH) et plusieurs nouveaux cas de kidnapping et d’assassinat ont été enregistrés, notamment dans la capitale haïtienne malgré les mesures prises par le gouvernement de facto. Jeudi 1er avril a été une journée de terreur et d’indignation. Vers 9h du soir, « des individus lourdement armés ont kidnappé, jeudi soir, quatre membres de l’église adventiste Galaad à Diquini dans la commune de Carrefour. Alors que le culte organisé par Gospel Kreyol Ministry était retransmis en direct sur les réseaux sociaux, les bandits ont enlevé le pasteur de l’église et trois autres fidèles comme dans une télé réalité » (Extrait, Le Nouvelliste). Or, le week-end d’avant, au moins 5 personnes avait déjà été enlevées puis emmenées à Grand-Ravine.

Au cours de cette même journée, sous prétexte qu’un groupe advers de ce quartier aurait tué certains de leurs membres, un gang armé membre de la fédération G-9 proche du régime en place a envahi le quartier populaire de Bel-Air avec des fusils d’assaut, du feu et du gaz lacrymogène. Bilan : au moins 7 civils sont tués dont un vieillard de 81 ans brulé vif à cause de ses incapacités de mobilité, une dizaine de maisons incendiées et de blessés. Plusieurs familles ont dû quitter leur domicile pour se mettre à l’abri de cette terreur. Ce fut le 3e massacre enregistré à Bel-Air sous le gouvernement de Jovenel Moise. Par ailleurs, le juge titulaire du tribunal de Pétion-Ville et le propriétaire de l’Entreprise funéraire Ste Rose de Lima ont été respectivement libérés contre rançon le 1er et 2 avril dernier.

Positionnement des USA dans la crise haïtienne

Le département d’État des USA a dressé un rapport accablant sur les droits humains en Haïti pour l’année 2020. Selon ce rapport, les droits humains sont très menacés. Il a profité pour exhorter le gouvernement de facto haïtien à traduire en justice les auteurs des massacres de Bel-Air, de Grand-Ravine et de La Saline où plus d’une centaine de personne a été tuée. Paradoxalement, malgré le constat de la détérioration continue des conditions de sécurité et la méfiance de presque tous les secteurs de la société haïtienne, le gouvernement étasunien persiste pour la réalisation des élections en Haïti durant l’année 2021. HPN rapporte que « Les États-Unis ont annoncé mercredi (31 mars) qu’ils décidaient d’apporter une aide à Haïti pour l’organisation des élections afin que celles-ci se tiennent en Haïti cette année ».

Économie et société

Le 29 mars 2021, « un autobus assurant le trajet Port-au-Prince (Ouest)/ Jérémie (Grand-Anse) a chaviré ce lundi matin sur la route nationale numéro 2. L’accident a fait une quarantaine de victimes » (Extrait, Vant Bèf Info),

Par ailleurs, la monnaie nationale (gourde) continue de perdre de la valeur (79,87 gourdes pur 1 dollars us le 1er avril). La crise socio-économique et politique ont des impacts néfastes sur la tradition pascale en Haïti. Durant cette période, « rien n’indique que le pays est en mouvement voir respecter les traditions. Les principales rues des communes de Delmas, de Pétion-Ville, de Tabarre ou de Port-au-Prince, montrent la vulnérabilité du pays et les privations de toutes sortes. Les marchands de poisson séché, de betteraves, de carottes, de choux, les marchandes de morues, d’œufs manquent à l’ambiance des rues de la capitale », constate HPN (31 mars 2021).