États-Unis : l’agenda militariste de Joe Biden

Qassam Muaddi, 1e janvier 2021 – Qods News – Traduction : Chronique de Palestine

On pouvait espérer beaucoup mieux que l’équipe de politique étrangère de Biden pour souhaiter la paix au monde en cette nouvelle année.

L’élection de Biden a été jusqu’à présent célébrée par les démocrates comme annonçant le retour à la raison de la politique américaine. La politique étrangère de Trump, qui consistait à se retirer des accords de coopération internationale, à favoriser les antagonismes, et à intensifier les tensions avec la Chine, la Corée du Nord et l’Iran, a donné au reste du monde l’espoir que le prochain président américain ne déclencherait pas une nouvelle guerre.

Ironiquement, Trump n’en a pas déclenché. Bien qu’il ait été très proche de le faire avec l’assassinat du général Qassem Suleimani, sa politique dans le monde et au Moyen-Orient en particulier a été une politique de retrait, à la fois politique et militaire.

Le bilan d’Obama, au contraire, est entaché par une grande belligérance. Avec son programme de drones et ses interventions au Pakistan, en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Libye, en Somalie, au Yémen et en Afrique subsaharienne, Obama a supervisé dix fois plus de frappes aériennes que George W. Bush, larguant 26 171 bombes rien qu’en 2016, tuant des centaines de civils.

Dans le même registre, on note la destruction de la Libye et une large participation à la destruction de la Syrie, deux opérations militaires largement responsables de la crise des réfugiés en 2015. Mais Obama n’était pas tout seul. Il était secondé par une équipe de haut vol : ses deux secrétaires à la défense successifs, Robert Gates et Chuck Hagel, sa secrétaire d’État, Hillary Clinton, et son vice-président, aujourd’hui président élu, Joe Biden.

Un pied au Pentagone, l’autre dans l’industrie de l’armement

Biden a maintenant fini de choisir sa propre équipe, qui entrera bientôt en fonction, et en ce qui concerne la paix dans le monde, ce choix ne semble pas très prometteur. Pour commencer, Biden a choisi le général Lloyd Austin pour le poste de secrétaire à la défense. Austin fait partie du conseil d’administration de Raytheon Technologies, un fabricant de méga-armes qui bénéficie d’énormes contrats avec le Pentagone.

Jusqu’en octobre dernier, Austin possédait un demi-million de dollars d’actions de Raytheon, qui est également l’un des plus grands fournisseurs d’armes de l’Arabie Saoudite qui bombarde massivement le Yémen depuis 2015. Cette guerre détruit le Yémen et a provoqué une grave crise humanitaire, sans compter les innombrables crimes de guerre commis par les Saoudiens contre les civils.

La nomination d’Austin à ce poste non seulement place ce dernier dans un conflit d’intérêts, mais elle diminue considérablement les chances de mettre fin à la guerre saoudienne au Yémen.

Conseiller en matière de bombes et de politique anti-Russie

Dans le même ordre d’idées, Biden a choisi Jake Sullivan pour le conseiller en matière de sécurité nationale. Sullivan a été conseiller d’Hillary Clinton quand elle était secrétaire d’État sous l’administration Obama. Il a fait pression pour que les Etats-Unis interviennent en Libye et a soutenu l’intervention en Syrie.

Dans ses mémoires intitulés « Hard Choices », Hillary Clinton a écrit à propos de Sullivan : « Il était toujours de mon côté ».

Mais il ne fait pas profiter de ses conseils seulement les responsables américains comme Clinton. Sullivan est également membre du conseil consultatif de l’ « Alliance pour la sécurité de la démocratie », un groupe de réflexion transatlantique et anti-russe qui milite contre les bots [informatiques] russes et ce qu’il considère comme de la propagande russe contre les démocraties occidentales.

A présent, il va pouvoir susurrer à l’oreille de Biden ses recommandations bellicistes anti-russes.

Les drones, la dissimulation de la torture et l’argent de l’industrie de l’armement

Puis vient Avril Haines, le choix de Biden pour le poste de directeur du renseignement national. Haines, qui a commencé sa carrière comme propriétaire d’un café-librairie, car elle rêvait d’une vie branchée, a très tôt travaillé au sein du gouvernement. En un peu plus d’une décennie, elle est devenue directrice adjointe de la CIA sous Obama, où elle a travaillé à la mise en place du cadre juridique du programme de drones d’Obama qui a tué des centaines de civils.

Puis, en 2015, Mme Haines a été chargée de décider si le personnel de la CIA serait sanctionné pour avoir piraté les ordinateurs du Sénat et détruit des preuves de torture américaine pendant que le Sénat travaillait à la préparation de son rapport sur la torture. Haines a décidé qu’ils ne devaient pas être punis, et elle a organisé la protection du personnel impliqué.

Haines est également consultante pour Palantir Technologies, une société d’exploration de données accusée d’avoir aidé l’administration Trump à mettre en place le tristement célèbre programme de détention des immigrants.

De plus, elle est membre du conseil d’administration du Center for New American Security. Un groupe de réflexion sur les politiques de sécurité et de défense, financé par de grandes sociétés d’armement comme Lokheed Martin et Northrop Grumman.

Vendre la guerre au sénat et le matériel de guerre au Pentagone

Mais la plus inquiétante de toutes les nominations de Biden est celle de son prochain secrétaire d’État, Antony Blinken, qui a été secrétaire d’État adjoint sous Obama. Non seulement il est un partisan convaincu de l’intervention militaire en Libye et en Syrie, mais il a également fait l’éloge de la campagne saoudienne au Yémen, malgré tous ses crimes de guerre et la crise humanitaire qui continue de s’aggraver.

L’enthousiasme de Blinken pour les opérations militaires à l’étranger remonte au moins à 2003. Cette année-là, Blinken était conseiller en politique étrangère auprès du sénateur Joe Biden, lorsqu’il a voté pour la guerre en Irak. À l’époque, Blinken a joué un rôle clé pour obtenir le soutien à la guerre des Démocrates du Sénat.

Aujourd’hui, Antony Blinken est l’un des actionnaires fondateurs de la société de conseil WestExec Advisors, créée en 2017.

La société propose, selon son propre site web, « Une expertise géopolitique et politique unique pour aider les chefs d’entreprise à prendre les meilleures décisions dans un paysage international complexe et instable », en utilisant : « des réseaux d’excellence dans les domaines de la défense, de la politique étrangère, du renseignement, de l’économie, de la cybersécurité, de la confidentialité des données et des communications stratégiques ».

Ce qui veut dire en clair, selon le Projet sur la surveillance gouvernementale : « aider les entreprises de défense à commercialiser leurs produits auprès du Pentagone et d’autres agences ». WestExec offre des services de conseil à divers clients, avec lesquels la société signe des accords de non-divulgation.

Certains de ses clients sont tout de même connus.

L’un d’entre eux est Shield AI, une société israélienne d’intelligence artificielle militaire et de surveillance des drones. Cela est d’autant plus significatif que Biden a toujours été en faveur de l’aide militaire à Israël et qu’il s’est engagé à la continuer.

Une équipe interventionniste

D’une manière générale, la nouvelle équipe Biden de politique étrangère se caractérise par un mélange de visions interventionnistes et militaristes radicales, de lobbyisme de l’armement, de conflits d’intérêts, et de collusion entre les différents secteurs publics et privés du commerce de la guerre.

Alors que les démocrates s’empressent de faire oublier l’ère Trump, caractérisée par un retrait stratégique, notamment militaire, du Moyen-Orient, Biden semble avoir mis sur pied une équipe destinée à contrecarrer les effets du retrait de Trump, avec son antidote exact : davantage d’interventionnisme.

Un interventionnisme qui s’est avéré destructeur et catastrophique pour des millions de personnes, de la Libye à l’Afghanistan, en passant par la Palestine, chaque intervention extérieure étasunienne laissant derrière elle une succession ininterrompue de villes et de villages en cendres, dont les décombres avaient à peine le temps de refroidir avant l’arrivée de l’expédition suivante.

 

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