L’Arménie après les élections

Bernard Dreano, 24 juin 2021

 

Nikol Pachinian, le Premier ministre arménien, a réussi son pari et gagné les élections législatives du 20 juin 2021 (54% des suffrages),  tenues dans des conditions considérées comme globalement correctes par l’Organisation pour le sécurité et la coopération en Europe. Ce qui ne signifie pas que le pays est au bout de ses peines.

Revenons un peu en arrière. Le journaliste Nikol Pachinian était dans les années 2000 un opposant notoire aux gouvernements de Robert Kotcharian et Serge Sarkissian. Ces derniers (à l’origine des leaders de l’Artsakh, le Haut Karabagh, la région enjeu de la guerre avec l’Azerbaïdjan de 1988 à 1994)  avaient pris le pouvoir en 1997-98 après la chute de Levon Ter Petrossian, le premier président de l’Arménie post-soviétique, renversé car partisan d’un compromis territorial avec l’Azerbaïdjan et de l’évacuation de territoires occupés par les Arméniens pendant la guerre.

Kotcharian et Sarkissian se sont partagés le pouvoir (Premier ministre et Président), sur fond de corruption, exode des jeunes, accroissement des inégalité, répression des opposants et atteintes à la liberté de la presse. Pachinian devenu député en 2012 a créé une alliance explicitement appelée Yelk ( « La sortie »). Puis après une marche explicitement inspirée par Ghandi, en avril 2018 a déclenché un énorme mouvement de masse, une « révolution de velours », entrainant la chute du régime, et à devenir Premier ministre.

Son gouvernement faisait face à d’énorme difficultés, et à la méfiance de la Russie, protectrice traditionnelle de l’Arménie, Poutine plus que réservé vis-à-vis du libéral-démocrate Pachinian qui avait renversé ses amis arméniens. A l’évidence, depuis plusieurs années, l’Azerbaïdjan voisin préparait sa « guerre de revanche », et profitait d’un soutien explicite turc et d’une relative bienveillance russe qui n’existaient pas dix ans plus tôt. La corruption avait profondément affaibli le potentiel militaire arménien que l’ancien régime compensait par une rhétorique nationaliste sur « l’héroïsme des arméniens », « le soutien de la diaspora » etc. Et Pachinian  n’a pas pu ou pas su sortit de cette rhétorique et subi l’attaque annoncée des forces azerbaïdjanaise le 27 septembre 2020. Pire, la propagande arménienne n’a cessé de parler de « victoire » jusqu’à la défaite totale et le moment ou la Russie a imposé le ZZ un cessez-le-feu très défavorable aux Arméniens.

Robert Kotcharian et ses soutiens (notamment dans la diaspora le parti Dachnak) ont essayé de faire tomber Pachinian « responsable de la défaite ». Une situation effectivement catastrophique : défaite militaire, plus de 3000 morts, des dizaines de milliers de personne déplacées, une économie en ruine, une épidémie de Covid 19 absolument pas maitrisée… Quelques soient les énormes défauts de Pachinian, les électeurs n’ont pas suivi Kotcharian et les maffieux de cet ancien régime responsable de la déréliction du pays. Ils ont choisi le « moins pire ». Mais les difficultés sont énormes : les Russes contrôlent l’application du cessez-le feu et l’avenir à court terme, la situation économique est dramatique et le pays isolé.

Pourtant cette élection montre aussi que les forces vives de la « révolution de velours » de 2018 existent toujours dans la société arménienne ; elles doivent bénéficier du maximum de soutien.